Faire de l’Aïkido, c’est bouger intelligemment (Réflexions sur l’Aïkido moderne 1)

En janvier 2016 Christian TISSIER Shihan a été promu au grade de 8e dan au sein de l’Aïkikaï, il a été ainsi le premier non japonais à accéder à ce grade. Cette promotion a été déjà célébrée et commentée, au-delà de ce caractère d’événement elle donne l’occasion de réfléchir à l’histoire de l’Aïkido et à ce que ce que cela signifie dans cette histoire de voir un occidental, figure de proue de la diffusion de l’Aïkido dans le monde, d’accéder à ce niveau. Qu’est-ce que faire de l’Aïkido hors de la culture japonaise et qu’est-ce que l’Aïkido dans le premier quart du XXIe siècle ?

Dans cette interview vidéo donnée à l’occasion de sa promotion, Christian TISSIER dit plusieurs choses que je trouve très éclairantes pour la pratique contemporaine :

En aïkido « il y a toujours cette notion qui n’est pas où est-ce que je t’amène, où est-ce que je te tire, où est-ce que je te pousse ; mais où est-ce qu’on se rencontre ». Plus loin il ajoute, à propos des arts martiaux en général et de l’Aïkido en particulier : « Il faut bouger ! On a un corps, il faut l’utiliser mais il faut l’utiliser intelligemment, du mieux qu’on peut et, très sincèrement tous les arts martiaux quels qu’ils soient permettent de bouger intelligemment. L’Aïkido a un autre avantage, c’est que l’on peut commencer à 5 ans et à 80 ans être encore sur le tapis, parce que la pratique est dosée et, surtout, c’est un merveilleux système d’éducation ».

Faire de l’Aïkido c’est donc appendre à utiliser intelligemment son corps et ainsi s’éduquer intelligemment dans son comportement et sa relation à autrui.  Ce n’est pas quelque chose que l’on fait tout seul, ni quelque chose que l’on fait à un autre, mais bien quelque chose que l’on fait avec un autre. Le niveau d’intensité et de contrainte physique peut être modulé pour pratiquer à tous les âges. Ce que l’on cherche à atteindre dans cette discipline corporelle c’est la perfection des mouvements.

Cette description pourrait sans doute correspondre à d’autres pratiques corporelles, telle la danse. C’est le prétexte et le but qui l’oriente qui fait la différence. Dans la danse le prétexte c’est l’expression des émotions et le but qui fonde le critère de perfection des gestes c’est l’esthétique.

Dans l’art martial, le prétexte c’est le combat, et le critère qui guide la recherche de perfection c’est l’efficience face au danger : les mouvements ferment les ouvertures par lesquelles les attaques menacent notre corps et créent celles par lesquelles nos techniques éteindront le danger en rendant l’attaquant inoffensif ; c’est cela l’intelligence du mouvement et c’est cela qui nous éduque à bouger.

L’intérêt des arts martiaux contemporains n’est donc pas de « se battre pour de bon », ni même « d’apprendre à se défendre », même si c’est souvent la motivation première du nouveau pratiquant et même si cela peut effectivement aussi servir à cela. Comme le dit Guillaume Erard en conclusion d’un article dont je recommande la lecture in extenso :  » si l’on veut vraiment apprendre quelque chose de purement pratique, que ce soit une méthode de combat ou de self-défense, je suggérerais de se tourner vers les disciplines militaires ou policières modernes qui sont bien mieux conçues et adaptées à l’environnement actuel. Entre développement personnel et efficacité, on est libre de choisir où mettre le curseur, mais il faut toujours garder en tête que privilégier le second équivaut à nier la nature même de nos disciplines. »

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