Jusqu’à la ceinture noire et au-delà. Des grades en Aïkido.

Le système de grade avec des ceintures de couleurs est assez récent dans les arts martiaux. Il n’est généralement pas utilisé en Aïkido, sauf peut-être dans les cours pour les enfants. Nous portons une ceinture blanche jusqu’au passage du grade de Shodan : le degré du débutant (degré = dan) où l’on porte une ceinture noire. « Débutant » voulant dire qu’on a appris toutes les techniques de base (kihon) et que l’étude « véritable » de l’art martial peut commencer.

Dans les écoles anciennes, les maîtres à la tête des écoles (Sôke = chef de famille) ne donnaient pas vraiment de « grade ». Pourquoi l’auraient-ils fait ? on utilisait les arts martiaux pour se battre pour de bon. Ceux qui voulaient à leur tour enseigner recevaient des diplômes sous forme de listes attestant les techniques qu’ils connaissaient, ce diplôme valait autorisation d’enseignement des seules techniques de la liste. Le diplôme le plus élevé Menkyo Kaden attestant la connaissance complète d’une école et par là une autorisation complète d’enseignement. Autant dire qu’un Sôke n’en donnait que 2 ou 3 dans toute sa vie.

Les grades donnés par l’Aïkikaï depuis le centre de l’Aïkido

Au dojo central (Hombu Dojo) de l’Aïkikaï à Tôkyô le système de grade compte des 5 grades avant la ceinture noire (décomptés en ordre inverse de 5e à 1er Kyu), puis 4 grades dan. Chacun de ces grades doit correspondre à un temps minimum de pratique effective et, à la connaissance correcte d’une liste de techniques correspondants à une nomenclature précise jusqu’au 1er Kyu, puis à la capacité d’une mise en œuvre de manière de plus en plus fine, efficace, opportune et spontanée de ces techniques et de leurs applications à partir de la ceinture noire (1er dan, Shodan).

Il y a deux étapes importantes dans cette progression : Shodan, car cela veut dire que l’on connait toutes les techniques de base (Kihon) répertoriées dans la nomenclature et Yondan (4e dan) car c’est le niveau auxquels on peut commencer à enseigner.

Pratiquement, cela veut dire que quelqu’un qui s’entraine tous les jours peut passer sa ceinture noire en un an ou deux, ce peut être le cas de personnes souhaitant consacrer leur vie aux arts martiaux et rapidement enseigner professionnellement. Plus probablement un élève assidu mais « amateur » et s’entrainant 2 ou 3 fois par semaine mettra 4 ou 5 ans.

Pour la suite, celui ou celle qui veut devenir « professionnel », pourra viser de devenir 4e dan en 6 ou 7 ans. Pour prendre un exemple emblématique et qui nous est proche, Christian Tissier Shihan a 18 ans lorsqu’il arrive au Hombu Dojo en 1969, il déjà est 2e dan (il a commencé l’Aïkido à 11 ans) ; lorsqu’il rentre en France 6 ans plus tard, il est 4e dan. Entre ces deux moments il a pratiqué quotidiennement plusieurs heures par jour l’Aïkido ainsi que d’autres arts martiaux, notamment le Ken Jutsu du style Kashima Shin Ryu, ainsi que des sports de combat, notamment le Kick Boxing.

Notre amateur passionné qui aura passé son 1er dan en 4 ou 5 ans en s’entraînant 2 ou 3 fois par semaine, s’il persévère, sera sans doute 4e dan entre 10 et 15 ans après son Shodan.

Au-delà du 4e dan, il n’y a plus d’examen. En effet, les raisons de donner un grade au-delà ne sont pas seulement « techniques » (d’ailleurs même pour l’examen de 4e dan au Hombu Dojo, il faut écrire une dissertation, attestant aussi d’un niveau de réflexion et de culture). Le Maître d’Aïkido qui fait profession d’enseigner à partir de l’âge de 25-30 ans, sera 5e dan à la trentaine, 6e à la quarantaine, 7e à la cinquantaine. Ce grade atteste un niveau « technique » personnel, mais il atteste aussi de sa contribution à l’Aïkido « en général » en fonction de l’importance de son enseignement, de sa créativité, de son charisme.

Pour reprendre notre exemple Christian Tissier Shihan a ainsi été nommé 7e dan à 46 ans, en même temps que Miyamoto Tsuruzo Shihan, de 2 ans son cadet, qui a enseigné toute sa vie au Hombu Dojo. Enfin tous les deux ont été nommés 8e dan en 2016. Le grade le plus élevé donné par l’Aïkikaï, est le 9e dan, je crois qu’il n’y a que Hiroshi Tada Shihan qui ait ce grade aujourd’hui, il est né en 1926 .

L’amateur passionné deviendra peut-être 5e, 6e dan, voire 7e dan. Mais ni au même âge, ni avec le même niveau technique, ni pour les mêmes raisons que celles et ceux qui ont fait de l’enseignement de l’Aïkido leur métier.

Cette manière d’attribuer des grades est le mode « général » de fonctionnement dans le monde entier pour tous les dojos, groupes ou fédérations, affiliés à l’Aïkikaï.

Particularisme français

En France, l’Etat organise la pratique sportive au travers d’une puissante administration qui reconnait des fédérations sportives et leur délègue des politiques publiques. Les arts martiaux sont concernés par cette organisation et de ce fait … l’Etat français délivre des grades dan ! Plus précisément les fédérations bénéficiant d’une délégation de service public délivrent des grades dan qui sont des « grades d’Etat ».

En Aïkido, pour des raisons historiques nous avons deux fédérations qui sont à la fois reconnues par l’Etat français et affiliées à l’Aïkikaï, la FFAAA, dont est membre Neko Aïkiclub, et la FFAB. Ces fédérations délivrent donc des « grades dan d’Etat » sous le label « union des fédérations d’Aïkido » (UFA). Les examens à ces grades sont organisés à l’échelle régionale ou nationale, les niveaux kyu existent également et sont attribués au sein de chaque dojo.

Le principe de progression est largement inspiré du modèle de l’Aïkikaï que nous avons vu plus haut, avec 5 kyu correspondant à des examens passés dans chaque dojo et 8 dan. Il y a toutefois quelques différences dont le nombre de techniques demandées pour les examens kyu, ainsi que la pratiques des armes pour les examens dan, enfin il existe depuis 2022 un examen pour le grade français de 5e dan.

Tous les pratiquants de Neko Aïkiclub ont reçu un « Guide du débutant » avec leur première licence avec la nomenclature des techniques et le programme des examens, la progression est en pages 10 & 11. Si vous ne l’avez pas, vous pouvez le retrouver ici.

Pratiquement pourquoi passer les examens

Nous ne sommes plus à l’époque où l’on apprenait les arts martiaux pour se battre à la guerre ; nous avons une pratique de loisir d’éducation physique et mentale avec un objectif de développement personnel. Comme dans tout apprentissage sportif ou artistique, nous avons besoin d’objectifs intermédiaires « concrets » et atteignables en remplissant des conditions que l’on peut décrire clairement : le nombre d’heures d’entrainement et la connaissance suffisante des techniques répertoriées dans la nomenclature.

Il faut donc passer les examens Kyu dans son dojo dès que l’on remplit la condition d’heures d’entrainement, le résultat de l’examen permet de déterminer si la seconde condition est remplie ou pas. Si l’on échoue, ce n’est pas une punition, c’est le moyen de s’améliorer pour atteindre l’objectif en repérant les points de progression.

Il faut ensuite, au bout de quelques années, passer son Shodan pour des raisons différentes :

  • D’abord rares sont les personnes qui échappent au plaisir narcissique de porter une ceinture noire. C’est un plaisir dont il ne faut pas se priver, les Arts Martiaux sont une école de confiance en soi.
  • Pour arriver à ce niveau, il faut faire des stages où l’on sort de la zone de confort de son dojo en rencontrant d’autres partenaires et d’autres enseignants. La liste des bienfaits des stages est tellement longue que je ne vais pas la développer ici. Je dirais au moins que « sortir de sa zone de confort » c’est un bon remède contre un narcissisme excessif, les Arts Martiaux sont aussi une école de modestie.
  • Enfin, dès lors qu’on est Shodan, si l’on veut continuer à progresser c’est bien aussi de commencer à réfléchir plus largement à la pratique de l’Aïkido. Pour cela l’école des cadres qui permet de préparer le Brevet fédéral de professeur assistant d’Aïkido est une très bonne solution, or il faut être Shodan pour s’y inscrire.

On ne va pas présenter l’examen de Shodan, ni les examens correspondant aux grades suivants, « tout seul ». C’est le professeur du Dojo où l’on s’entraine régulièrement qui décide, signe et transmet le formulaire d’inscription à l’examen. Il y a des stages spécifiques de préparation organisés à l’échelle régionale ou nationale. La route est donc bien balisée.

Avant d’en arriver à ce Shodan qui est un point de départ : amusez-vous ! O Senseï avait affiché dans son Dojo de 1932 un texte concernant l’état d’esprit dans l’entrainement en Aïkido, le 3e « commandement » en était : « Pratiquez dans la joie ! »

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